Péril dans le ciel belge

donderdag 28 april 2016

Une opinion de Thierry Lemmens, pilote de ligne retraité.

Commençons par les parachutages politiques à Belgocontrol. Cela ne date pas d’hier ! En 2001, Charles-Louis d’Aremberg était chef de cabinet de Rik Daems en charge du dossier Sabena. En 2004, il fut nommé à la tête de cet organisme. Sa gestion fut, là aussi, calamiteuse. Donc, le système grippe si "les contrôleurs ne travaillent pas pendant leurs jours de repos". Typiquement belge. Dans toutes les branches qui nécessitent un personnel hautement qualifié, il y a pénurie alors que les administrations regorgent d’une pléthore de fonctionnaires. (...)

"Les pilotes ont tiré la sonnette d’alarme." Je ne puis que les féliciter et joindre ma voix à la leur. Les pilotes n’ont pas l’habitude de s’exprimer pour rien. S’ils sont inquiets pour la sécurité de notre ciel, ils ont certainement de très bonnes raisons. Les pilotes, tout comme les contrôleurs aériens, sont des professionnels aux très grandes responsabilités. Responsabilité s’entend dans son acception la plus large, y compris prendre ses responsabilités. Car, en aviation, au sol comme dans les airs, la moindre faute se paie cash. Et s’il y a des blessés ou des morts, c’est le tribunal correctionnel pour le commandant de bord ou pour le contrôleur incriminé. (...)

Passons au survol de Bruxelles. Bienvenue dans cet imbroglio, Monsieur Bellot. Bruxelles "National" est le seul aéroport au monde où le choix de piste est fonction de la couleur politique du bourgmestre de la commune que l’on va survoler. J’ai opéré sur quatre continents et je puis vous assurer que, partout ailleurs, on décolle et on atterrit face au vent. Point !

Combien de fois n’ai-je pas survolé Tower Bridge en plein centre de Londres voire même le palais royal de Windsor. Et assez bas pour voir si la reine Elisabeth II y était (le drapeau est à mi-hauteur si non). Au début de ma carrière (fin des années 80), je volais sur un Boeing 737-200, entièrement analogique. Souvent, à Bruxelles, nous avions l’impression que la composante arrière du vent (limite maximale légale : 10 kts = 18,5 km/h) était sous-estimée par les contrôleurs de la tour. Et pour cause : ils avaient l’ordre politique d’utiliser au maximum les pistes orientées à l’ouest.

Quelques années plus tard arrivèrent les Boeing de la nouvelle génération équipés de plates-formes à inertie (équipement hautement sophistiqué permettant de calculer notamment, et avec grande précision, la direction et la vitesse du vent). Cela nous a permis de confirmer la triste vérité. Au détriment de la sécurité, suivant en cela des instructions politiques criminelles, les contrôleurs avaient ordre de mentir.

Passons aux routes de départ depuis Zaventem. Nous avions la route Chabert, du nom du ministre des communications fin des années 70. Le seul objectif était d’éviter, le week-end, le survol de la commune de résidence (Meise) dudit ministre. En plus clair, le week-end, on pouvait s’écraser sur la Grand-Place, du moment que le ministre ne subissait pas de nuisances sonores !

Mais il y eut aussi la route du canal, dite "route Onkelinx". A exactement 650 mètres du tracé de référence de la trajectoire d’envol se trouvait un site Seveso (citernes à gaz Shell à Neder-over-Hembeek). Peu de choses pour un avion déséquilibré par la perte d’un réacteur au décollage ! Irresponsable et dangereux. Comment en est-on arrivé à une telle médiocrité ?

Parlons maintenant du futur. Un nouveau danger se fait jour dans le ciel : les drones. Les incidents se multiplient aux quatre coins du globe. Amazon projette de livrer par ce moyen des colis allant jusqu’à 2,2 kg. Imaginez 2 kg de semtex (explosif extrêmement puissant) aspiré par le réacteur d’un avion en approche ou au décollage : un cataclysme ! Il faut légiférer vite et bien.

Et si, pour une fois, les politiques belges donnaient le bon exemple ? La Belgique aurait retrouvé sa place de pionnière dans au moins un domaine. Chiche !