Le MR propose une taxe frappant chaque avion survolant Bruxelles, "un écran de fumée" pour le CDH
Alors que sa ministre en charge de la Mobilité, Jacqueline Galant, planche toujours sur une nouvelle loi aéroportuaire au niveau fédéral, le MR a décidé de mettre sa pierre à l’édifice dans le délicat dossier du survol de la capitale. Le groupe emmené par le député Vincent De Wolf au parlement bruxellois (opposition) va en en effet mettre sur la table une proposition innovante et radicale. Il s’agit de frapper d’une taxe, une "charge" préfère le libéral, tout avion survolant le ciel de la Région bruxelloise au départ ou à l’arrivée de l’aéroport national. Le transport passager comme le fret sont concernés.
"Il s’agit d’une mesure incitative visant à pousser les compagnies aériennes à faire le maximum pour minimiser les nuisances sonores et la pollution", explique Vincent De Wolf. Cette nouvelle charge environnementale sera d’autant plus acceptable et juridiquement solide qu’elle serait proportionnelle à la nuisance engendrée. "Cela existe dans des grandes capitales comme Paris et Tokyo, pourquoi pas chez nous ?", demande le député. Cet outil fiscal et environnemental vise donc à faire porter le "coût sociétal" de l’activité de l’aéroport national aux compagnies aériennes. Pareille mesure est, selon M. De Wolf, de nature à "limiter les nuisances subies par tous les Bruxellois" en ceci qu’elle pousse les compagnies à moins survoler Bruxelles et à investir dans des avions moins bruyants.
Une mission régionale
Comment fonctionnerait cette taxe ? Cette charge est unique et fixée à 10 euros. Mais elle est modulée selon un coefficient défini par le niveau sonore de l’avion (55dB, reconnu comme donnant lieu à une gêne importante par l’OMS, sert de référence) et l’heure à laquelle il survole Bruxelles (voir tableau). Trois périodes sont ainsi définies (jour, soirée, nuit). Vincent De Wolf a conscience que cette nouvelle taxe se répercutera immanquablement sur le prix du billet d’avion. Mais pour des montants largement supportables, estime-t-il : "Si le nombre moyen de passagers à bord est égal à 102 par vol et que le montant moyen de la charge est de 82,5€ le jour et de 550€ la nuit, alors la charge représente une augmentation de 80 cents par passager, le jour, et de 5,5€ la nuit."
Pour le MR, c’est aux administrations régionales (fiscales et environnementales) qu’il reviendra de calculer et de percevoir la taxe. Pour ce faire, elles disposent des 15 sonomètres installés sur le territoire bruxellois, des tracés officiels de survol et de la capacité technique d’isoler chaque événement sonore.
Cette nouvelle taxe générerait des rentrées évaluées entre 15 et 20 millions d’euros. Des recettes qui, selon le MR, doivent servir à l’amélioration de la qualité de vie des Bruxellois. Il propose par exemple des primes à l’isolation sonore pour les quartiers qui sont "survolés de toute façon compte tenu de leur proximité avec l’aéroport". Détail important : pour le MR, cette taxe ne se substitue en rien aux amendes prévues pour les infractions aux normes de bruit en vigueur depuis 1999 en Région bruxelloise. En cas d’infraction, la taxe serait due en plus de l’amende infligée à la compagnie mise en cause.
Tolérance zéro
A cet égard, le MR déplore le faible taux de procès-verbaux dressés par l’administration bruxelloise par rapport aux infractions constatées. Depuis 15 ans, seules 21 % des infractions donnent lieu à un PV, selon des chiffres obtenus au parlement. Une situation qui s’explique par une "tolérance sans aucune base légale organisée au sein de l’IBGE, dénonce Vincent De Wolf. Il est temps que le gouvernement bruxellois veille au respect scrupuleux de ces normes de bruit et supprime sans délais les seuils de tolérance qui permettent un dépassement des normes en vigueur, jusqu’à 6 décibels la nuit et 9 décibels le jour. Un procès-verbal doit être dressé pour tout dépassement supérieur à 1dB (A)".
Enfin, le MR appelle de ses vœux la création d’un organe de contrôle indépendant. Vincent De Wolf, après contact avec la ministre Galant, assure que le gouvernement fédéral avance bien dans ce dossier. Il s’agit là du contrôle du respect des routes aériennes alors que les plaintes se multiplient à Bruxelles depuis le début de l’été. A trois ans des élections communales, l’enjeu politique devient palpable pour le MR. Après avoir obtenu le moratoire au plan du gouvernement précédent, la ministre Galant a en effet pris des décisions qui ne plaisent pas à Bruxelles. Il s’agit principalement d’une augmentation du survol de la zone du canal et d’une autorisation temporaire favorisant le transport de fret à Zaventem. Cela sans avoir encore déposé la moindre mesure concrète et significative visant à alléger structurellement le survol de la capitale.
Pour le cdH, la proposition de V. De Wolf est un gigantesque écran de fumée bleue
La proposition du chef du groupe MR au parlement bruxellois, Vincent De Wolf de taxer tout survol de Bruxelles constitue essentiellement "un gigantesque et magnifique écran de fumée bleue pour masquer non seulement l’inaction la plus totale de la ministre MR de la Mobilité, Jacqueline Galant, dans le dossier du survol de Bruxelles, mais aussi les décisions prises par cette dernière ces derniers mois pour développer dans les années à venir les activités de l’aéroport", a affirmé jeudi le chef du groupe cdH Benoît Cerexhe.
Pour Benoit Cerexhe, "taxer le survol, c’est surtout le légitimer. Plutôt que lever des taxes, le MR devrait plutôt s’activer pour réduire, structurellement, les nuisances générées par le survol de Bruxelles, en renvoyant les avions sur les zones les moins densément peuplées, en allongeant dès à présent la nuit opérationnelle de 22h à 7h, et en faisant respecter intégralement les règles relatives aux normes de vent".
Se demandant si Vincent De Wolf a eu l’aval de Mme Galant (MR), le chef de file du cdH a rappelé que la Région bruxelloise dispose déjà d’arrêtés "Bruit", définitivement validés par la Cour constitutionnelle, qui sanctionnent les avions bruyants qui survolent la Région bruxelloise. Le cdH craint que par sa proposition, le MR offre une ouverture permettant, à ceux qui contestent à la Région le droit de sanctionner des avions trop bruyants, de rouvrir le débat sur la compétence de la Région en ce domaine.