Le patron de Belgocontrol sur le survol de Bruxelles: "On va être plus transparent"
Johan Decuyper [1], le patron de Belgocontrol, revient sur la saga du survol de Bruxelles. On a écrit beaucoup de choses inexactes sur nous
Il a enfin décidé de sortir de sa tour d’ivoire. Johan Decuyper, le patron de Belgocontrol - l’organisme chargé de la sécurité aérienne en Belgique -, a mal vécu les critiques émises ces derniers mois envers ses contrôleurs. En cause, le fameux plan de survol de Bruxelles qui continue de créer la polémique. "On nous a accusés de manipuler les instructions transmises par Melchior Wathelet et de faire n’importe quoi", explique cet ancien chef de cabinet de plusieurs ministres CD&V. "J’ai voulu plusieurs fois réagir dans la presse, car c’était très énervant de lire toutes ces choses inexactes. Mais c’était difficile de se mêler d’une polémique très politique."
Entre autres accusations, certains ont ainsi soupçonné Belgocontrol d’être un organisme "essentiellement flamand"qui renvoyait les avions vers Bruxelles plutôt que vers le Nord du pays. Le diplômé de la KUL tient à mettre les points sur les i. "Tout d’abord, nous ne définissons pas les routes, c’est le politique qui le fait." Quant à cette image de contrôleurs flamingants envoyant les avions vers Bruxelles, elle fait figure de fantasme, d’après lui."Aucun contrôleur n’a cette liberté-là et Belgocontrol est belge, pas flamand", explique M. Decuyper qui sort les chiffres. "Dans la direction, il y a un équilibre linguistique. Au niveau des employés, on a 58 % de néerlandophones et 42 % de francophones. Ce qui est normal pour la fonction publique."
Certains riverains restent toutefois étonnés de voir des avions ne suivant pas exactement les routes imposées. "Il y a une certaine tolérance. Les avions peuvent dévier jusqu’à cinq nautiques d’une route, mais ce n’est pas le contrôleur qui décide, mais bien les conditions de vol."Le pilote a aussi son mot à dire.
L’ingénieur civil de formation avoue avoir appris pas mal de choses de cette tempête médiatique. "Belgocontrol n’a pas assez été transparent. On n’a pas bien expliqué certaines choses, comme les normes de vent qui sont basées sur des prévisions. Et qui peuvent donc changer… On exécute très bien ce que l’on nous demande, mais il faut le montrer." D’après lui, l’adage chez Belgocontrol a trop souvent été : "Vivons heureux, vivons cachés." "Si tu caches quelque chose, les gens penseront toujours qu’il y a une raison obscure. Certains riverains ont développé une vraie méfiance envers nous."
Le Brabançon est ainsi en train de mettre en place une campagne de communication, qui passera surtout par Internet. "On va être plus transparent, car on a un rôle important à jouer vis-à-vis de la société." Sans vouloir juger le plan Wathelet, M. Decuyper a une pensée pour l’élu CDH, qui a connu un frein à sa carrière suite à ce dossier. "Ce n’est pas évident pour lui et je déplore ce qui s’est passé." Le CEO connaît bien le dossier puisqu’il a été chef de cabinet d’Etienne Schouppe (CD&V), lui aussi décrié pour son plan de survol. "A l’époque, tous les partis de la majorité, y compris les francophones, avaient voté pour un plan", dit-il.
Cet ancien responsable syndical ("J’ai appris beaucoup de choses qui m’ont été utiles lorsque je me suis retrouvé de l’autre côté de la barrière") tire une autre leçon de cette saga : la Belgique doit mettre en place un cadre légal définissant exactement les démarches à suivre avant de mettre en place une nouvelle route aérienne. "Il faut des études d’incidence environnementales, des concertations avec les habitants. Cela se fait dans plusieurs pays d’Europe et cela évite les recours en justice des riverains. Cela doit être la priorité du gouvernement." D’après M. Decuyper, le but n’est pas de "bétonner" une route aérienne. "Aux Pays-Bas, ils ont un cadre légal très strict, ce qui ne les empêche pas de changer régulièrement de routes."
Pour l’heure, la priorité de Belgocontrol est de revenir, comme le gouvernement Michel l’a exigé, aux routes aériennes d’avant le 6 février dernier, soit celles passant par l’Oostrand, l’est de Bruxelles et sa périphérie (les deux Woluwe, Wezembeek, Kraainem,..). Ce moratoire, prévu pour le 2 avril prochain, est aussi attaqué en justice. "Mais je pense que, juridiquement, c’est un plan plus défendable car ces routes existaient déjà."
Il y a d’autres urgences chez Belgocontrol. L’organisme était exsangue financièrement quand M. Decuyper est arrivé en place, fin 2013. "Un de mes collègues européens me surnommait le curateur", sourit-il. Belgocontrol a aussi été marqué par les différents scandales ayant touché son ancien patron, Jean-Claude Tintin (audit calamiteux, engagement de son fils comme chauffeur, demande d’un parachute doré énorme,…). On a aussi accusé M. Tintin de s’être construit un logement de luxe au sein de Belgocontrol. "J’ai vu cet appartement, ce n’était pas si luxueux, Mais c’est vrai que la succession a été difficile. Il n’y avait plus de respect mutuel entre la direction et les employés, plus de stratégie orientée client, pas de transparence et aucune proactivité."
M. Decuyper a ainsi réduit certains coûts, mais aussi bataillé ferme avec le gouvernement pour que toutes les prestations de Belgocontrol soient effectivement payées. Autre défi : celui d’une meilleure collaboration avec les militaires. "L’espace aérien en Belgique est très compliqué, mais j’ai toujours été en faveur d’un dialogue."
[1] "Diplômé en ingénieur civil à la KULeuven. 1991-2008 : statisticien à la Banque nationale de Belgique-responsable syndical. 2008-2011 : chef de cabinet du Secrétaire d’Etat Etienne Schouppe (CD&V-Mobilité). 2011-2013 : chef de cabinet du Secrétaire d’Etat Hendrik Bogaert (CD&V-Fonction publique). Depuis octobre 2013, CEO de Belgocontrol.