Zaventem est le champion des nuisances sonores

lalibre.be
dinsdag 28 april 2015

Compte tenu de la forte exposition au bruit des populations qui l’entourent, l’aéroport de Bruxelles-National fait trop peu pour s’intégrer dans son environnement. C’est la conclusion générale des bureaux A-Tech et Anotec, mandatés par Céline Fremault (CDH), ministre de l’Environnement à la Région bruxelloise, pour évaluer la gestion des nuisances sonores à Zaventem et dont "La Libre" a pu prendre connaissance. Avant d’aller plus loin dans les conclusions de ce travail d’objectivation - très attendu depuis les polémiques nées des différents plans de survol élaborés par le gouvernement fédéral -, un peu de méthodologie s’impose.

L’étude propose de comparer l’aéroport national avec une dizaine d’autres dans le monde. Ces aéroports sont reconnus pour leur "approche cohérente et particulièrement intégrée de leur développement durable". Il s’agit des aéroports de Arlanda (Suède), Charleroi, Liège, Manchester, Munich, Vienne, Vancouver, Syndey, Portland, Toulouse et de Schipol (Amsterdam). Pour chacun, est calculé un indicateur (le Ldenpop) agrégeant la population exposée au bruit et le degré d’exposition.

Ces aéroports ont été questionnés sur l’application concrète de quatre principes définissant une approche "équilibrée" de leur fonctionnement. On parle ici d’équilibre entre activités économiques et impact environnemental. Ces principes sont les suivants : une réduction du bruit à la source (au niveau des avions), la planification foncière (insonorisation, règles urbanistiques, aménagement du territoire), les procédures opérationnelles (routes aériennes, trajectoires de déscente, etc.) et, enfin, les réductions opérationnelles (limitation de l’activité de l’aéroport, la nuit par exemple). Voilà pour le cadre théorique. Place aux résultats.

Première constatation, parmi les aéroports étudiés, celui de Zaventem est le champion en termes d’impact sur les populations (indicateur le plus élevé sur notre graphique). "Comparé à d’autres aéroports pour lesquels on constate que la carte de bruit est limitée au maximum sur les zones densément peuplées, on constate, pour la carte de l’aéroport de Zaventem, qu’elle empiète fortement sur la Région bruxelloise qui est pourtant la plus densément peuplée, relève l’étude. Sur d’autres aéroports comme Schipol ou Liège, on constate que cette carte est optimisée pour limiter au maximum leur impact sur les zones urbanisées." Mais cela, on le savait déjà.

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Concentrer plutôt que disperser

Ce qui frappe dès lors encore davantage, c’est que Bruxelles National est aussi le plus mal classé au niveau de l’application des principes de l’approche équilibrée (50 %, le taux le plus bas de l’échantillon retenu). Si des mesures opérationnelles sont bien prises, on n’y trouve aucune planification foncière, aucune politique d’insonorisation ou de dédommagement des riverains. Ceci expliquant le nombre de plaintes enregistrées. "Pour Bruxelles-National, l’exposition est la plus importante alors que les mesures d’accompagnement ne suivent pas suffisamment les besoins induits par cette exposition", dit l’étude. Celle-ci préconise "l’utilisation plus performante des pistes, la détermination de routes et de procédures de vol optimales", ainsi que "les mesures d’aménagement du territoire et d’insonorisation correspondant à ces procédures". Il s’agit par exemple de rachats de terrain, de nouveaux règlements urbanistiques visant à limiter les populations impactées.

L’étude énonce d’autres recommandations, en termes d’évaluation des nuisances, de communication à l’égard de la population. Plus globalement, l’étude reprend les deux façons de distribuer le bruit autour d’un aéroport : la dispersion (moins de bruit pour plus de monde) et la concentration. C’est cette dernière que le bureau d’étude retient afin de canaliser le bruit sur une zone réduite, ce qui rendra d’autant plus facile, et moins coûteuse, une politique d’insonorisation ou de rachats de terrains. Sur base de l’approche équilibrée, il convient de "concentrer et agir", conclut l’étude.

"Aucun aéroport européen n’a une nuit plus courte que Bruxelles"

Trois questions à Céline Fremault, Ministre cdH de l’Environnement à la Région de Bruxelles-Capitale.

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Que vous inspirent les résultats de cette étude ?

Vu le nombre de plaintes, vu les proportions que prend la réaction des habitants, ce n’est pas une surprise. Ce qui est étonnant, c’est de voir que d’autres aéroports similaires gèrent les choses de manière très efficace. L’idée qui ressort, c’est cette approche équilibrée, qui est reconnue par l’Organisation de l’aviation civile internationale et qui sera imposée dès 2016 par l’Europe. Ce n’est donc pas une lubie du gouvernement bruxellois que de demander que cette approche soit implémentée au plus vite. L’accord du gouvernement bruxellois est confirmé : il s’agit d’imposer des routes sur des zones moins densément peuplées afin de réduire l’indice sur lequel l’étude se base. Aucun aéroport européen n’a une nuit plus courte que Bruxelles. Allonger la nuit, ce n’est pas compliqué et cela ne va pas nuire à l’activité. Les résultats de Schipol le démontrent.

Qu’allez-vous faire de cette étude ?

L’idée est d’être constructif. On ne va pas remettre une couche de passionnel. Cette étude est factuelle, c’est une photographie, un outil dont on se servira lorsque les fameux groupes de travail avec le fédéral seront réunis. Cela nous permet d’arriver avec des éléments qui montrent l’inventivité des autres aéroports et ce vers quoi on peut aller. Cette étude est d’utilité publique. Le fédéral peut compter sur Bruxelles dans ce dossier.

L’étude préconise une concentration des nuisances. D’accord ?

Je ne vois pas d’antagonisme avec ce que propose le gouvernement bruxellois. On n’a jamais dit qu’on était pour la dispersion de vols, nous préconisons le survol des zones les moins densément peuplées, des solutions qui réduisent l’indice d’exposition aux nuisances. Il faut faire parler le bon sens et c’est la force de cette étude qui a été menée de manière indépendante.

Les associations de l’Oostrand entament leur mobilisation

Où en est-on sur le terrain ? Lundi, une cinquantaine de militants des associations de l’Oostrand (est de Bruxelles) ont manifesté devant le siège du MR, seul parti de la majorité fédérale et parti de la ministre en charge du survol de Bruxelles, Jacqueline Galant. Pour rappel, depuis le 2 avril et l’application du moratoire à la phase six du précédent plan de survol de Bruxelles, les communes de Woluwe-Saint-Lambert, Woluwe-Saint-Pierre, Kraainem et Wezembeek-Oppem, enregistrent une augmentation des nuisances.

Celles-ci sont liées à la concentration des décollages sur un unique virage gauche au départ de l’aéroport de Zaventem mais également aux conditions de vent qui augmentent considérablement le nombre d’atterrissages sur la piste 01. Pour la petite histoire, c’est l’Awacs, une association notamment animée par Frédéric Petit, bourgmestre MR de Wezembeek-Oppem, qui mène la contestation.

Le 1er mai à Jodoigne

"Avec la piste 01, on a un problème de santé publique, disait-il à l’agence Belga. Si on atterrit normalement selon les pistes préférentielles dont la piste 25, seuls les champs sont survolés." Il réclame à la ministre Galant un nouveau plan. "Avec ce moratoire, on revient à la case départ. Sans perspective concrète de solution structurelle, les gens sont désespérés" , assène-t-il alors qu’il avait soutenu ce même moratoire.

A Auderghem et Watermael-Boitsfort la situation semble s’être normalisée, à l’exception d’avions atterrissant en 01 qui suscitent encore le mécontentement de certains habitants. Le cabinet de Jacqueline Galant assure surveiller la situation de près, en admettant qu’il a fallu un peu de temps pour que les compagnies s’adaptent au moratoire. Les associations d’habitants iront à nouveau manifester à Jodoigne le 1er mai, lors des festivités organisées par le MR pour célébrer la Fête du Travail.

L’autre étude qui tacle Zaventem

Les études se multiplient et elles vont toutes dans le dans le même sens : Brussels Airport est l’un des pires aéroports européens dans sa gestion des nuisances sonores. Dans un document de 110 pages, le think tank bruxellois "Cœur Europe" a ainsi analysé 51 aéroports du Vieux Continent. Son constat est cinglant.

"A l’exception de Zaventem et de Manchester, tous les aéroports européens d’importance ont déménagé certaines activités et pris des mesures fortes afin de réduire l’impact de la pollution résultant de leurs activités", explique Jean-Noël Lebrun, l’un des auteurs de l’étude. Parmi ces mesures, il cite la création de nouvelles pistes, l’interdiction des vols de nuit ou la mise en place de compensations financières.