Survol de Bruxelles : Bellot ne fait pas consensus

lesoir.be
jeudi 17 mai 2018

Le ministre de la Mobilité (MR) étudie une clarification des normes de vent que les contrôleurs aériens lui réclament. Ses suggestions ne plaisent pas à tout le monde.

Tentative de clarification

Depuis un moment on n’en parlait plus, comme si le temps avait suspendu son (sur)vol. Mais la polémique vient de redécoller : le très sensible dossier des nuisances aériennes au-dessus de Bruxelles a refait surface. Pas étonnant à l’approche de la campagne électorale dont, depuis plus de dix ans, le dossier a toujours été un point de clivage politique. Il a suffi que l’Écho fasse part d’une proposition du ministre fédéral de la Mobilité, François Bellot, en intercabinet, sur les normes de vent à fixer pour justifier le changement de piste pour décoller ou atterrir, pour relancer les débats. Et les commentaires. Et les rivalités.

Parmi les nombreuses questions en suspens dans cet épineux dossier, où chacun réclame une juste/meilleure répartition des nuisances liées à l’aéroport national, les contrôleurs du ciel et l’administration aérienne (DGTA) expliquent être confrontés à des aspects contradictoires dans les différentes mesures prises par les différents gouvernements depuis une quinzaine d’années ainsi que dans les décisions de justice qui s’en sont parfois suivi. De longue date, ils réclament donc une « clarification des normes », pour objectiver l’utilisation des différentes pistes. Des normes qu’on pourrait alors, enfin, injecter dans un logiciel, RAAS, spécialement acheté fin 2016 pour démontrer l’utilisation strictement technique des pistes ou pour illustrer une interprétation favorisant l’une ou l’autre partie de la population. Un logiciel toujours en mal de normes de référence.

Le choix, c’est 7 nœuds

Car à Brussels Airport, choisir les critères qui valident le choix des pistes c’est aussi, irrémédiablement, prendre une position politique puisque les décollages et atterrissages impliquent une répartition des nuisances à Bruxelles et autour de Bruxelles, en Flandre et en Brabant wallon. Même si les normes internationales situent à un vent arrière de 5 nœuds le moment où il faut changer de sens de décollage (on décolle et atterrit toujours face au vent), c’est à 7 nœuds que le ministre envisage recommander le changement.

Ce qui implique que les deux pistes les plus longues (les pistes 25 gauche et droite) sont alors utilisées dans l’autre sens (elles deviennent alors les pistes 07 gauche et droite) et que la troisième piste, plus petite et moins bien équipée, est utilisée plus souvent en atterrissage (01) et décollages (19). À chaque changement de vent correspondent donc une région et des riverains survolés.

L’objectif de la clarification, c’est notamment de mettre fin à l’actuelle faille qui permet des changements « entre 5 et 7 nœuds », plus ou moins anticipés, avec toutes les latitudes d’interprétations que cela implique. Une réunion en intercabinet de différents ministères a eu lieu sur le sujet mercredi soir. Et son contenu a remis ce dossier politiquement très clivant au centre des intérêts.

Réactions contrastées

« Un effet d’annonce de plus du ministre Bellot, clame la ministre bruxelloise de l’environnement Céline Frémault (CDH). Une mesure ponctuelle et isolée alors que le ministre avait toujours justifié son inaction par sa volonté de trouver une solution globale. » « C’est une mesure de parfaite répartition équitable du trafic en piste 25R entre Bruxelles, l’Oostrand et le Noordrand » s’enthousiasment les associations « Piste 01 ça suffit » et UBCNA (Union Belge Contre les Nuisances des Avions). Pas du tout, nuance le mouvement « Pas Question » : « La réalité est que cette mesure ne soulagerait qu’un très petit nombre de personnes vivant sous la piste 01 aux marges est de Bruxelles et dans l’Oostrand (atterrissages), mais par contre augmenterait drastiquement les nuisances sur plusieurs centaines de milliers de Bruxellois et d’habitants de la périphérie nord de Bruxelles (Noordrand). » « La tentative de Bellot de plaire aux communes du MR-land avant les élections est contraire à l’accord de coalition » poursuit, enfin, de son côté l’association néerlandophone Actie Noordrand qui rassemble des habitants du nord de la périphérie bruxelloise et qui craint de devoir subir 2.000 vols supplémentaires.

Explications du ministre

En commission parlementaire, le ministre François Bellot s’est expliqué jeudi : « J’ai avancé pour présenter un dossier de normes clarifiées. Elles permettraient aux contrôleurs de travailler dans un environnement plus clair et sécurisé. La multiplicité des instructions prises dans le passé crée une situation qui fait qu’aujourd’hui, des contrôleurs sont interrogés par un juge d’instruction sur le choix des pistes. »

Face aux députés, il a confirmé que son objectif est bien de placer la norme du changement à 7 nœuds afin de maintenir « plus longtemps l’utilisation des pistes préférentielles et donc la logique d’exploitation préférentielle de l’aéroport ». Mais il ajoute vouloir « coupler cette clarification avec une nouvelle procédure au décollage permettant de réduire le bruit au sol, avec des avions qui seront plus vite plus hauts ». Mais, surtout, il reconnaît qu’actuellement, sa proposition de clarification « ne fait pas encore consensus ».

Il a encore précisé que, ce jeudi, après plusieurs tentatives, il a enfin pu désigner le bureau chargé de réaliser l’étude d’incidence que le tribunal de première instance de Bruxelles avait imposé de réaliser à l’État fédéral dans son arrêt du 19 juillet 2017.

Participer ou pas à l’étude d’incidence

Trouvant que les trois derniers gouvernements fédéraux n’avaient pas pris les mesures légales nécessaires pour assurer une juste répartition des nuisances sonores autour de Zaventem, onze communes du Brabant flamand et la province ont lancé une action devant le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles. Ils veulent forcer le fédéral à façonner une loi réglementant les vols. En conflit juridique avec le pouvoir fédéral, les onze communes et la province ont introduit une question supplémentaire : doivent-elles faire partie du comité de pilotage de l’étude d’incidence imposée par un autre juge, francophone celui-là, au même État fédéral. Le tribunal rendra une décision sur cette question dans quelques semaines, le motif de l’affaire ne sera discuté que plus tard.