Les aéroports wallons mieux protégés des pannes : "Belgocontrol va investir 97 millions en trois ans"

lalibre.be
vendredi 30 septembre 2016

Johan Decuyper, patron des contrôleurs aériens, a stabilisé les finances de Belgocontrol, estime-t-il. Il annonce la navigation satellitaire à Zaventem et la protection des aéroports wallons contre les pannes. Le CEO de Belgocontrol n’est pas candidat à la direction de la SNCB, assure-t-il. Entretien.

Liège et Charleroi protégés des pannes

Alors que d’aucuns critiquent son bilan, fustigent le climat social dans la tour de contrôle de l’aéroport national, Johan Decuyper est formel : Belgocontrol va mieux, beaucoup mieux même, que lorsqu’il est arrivé à sa tête, il y a trois ans. Le CEO des aiguilleurs du ciel avance les derniers résultats financiers - ceux de 2015 - pour appuyer ses dires. Ainsi, globalement, Belgocontrol a enregistré une hausse de près de 5 % du nombre total de mouvements dans l’espace aérien belge. Il se fixe à 569.043 unités. Pour les décollages et atterrissages à l’aéroport de Bruxelles-National, la hausse est plus légère (3,38 %) avec un total de 239 349 mouvements. Ces chiffres cachent toutefois deux reculs wallons (- 3,09 % à l’aéroport de Liège et - 2,38 % à Charleroi) alors que la même année, les aéroports d’Anvers et Ostende enregistraient des hausses respectives de mouvements de 11,67 % et 8,6 %.

Au niveau de la sécurité, Johan Decuyper affiche aussi un satisfecit avec un nombre d’incidents stabilisé bien en dessous des pics de 2009 et 2008. La panne électrique du 27 mai - qui avait paralysé les aéroports de Liège et Charleroi - a toutefois fait passer le retard en minute par vol de 0,05 à 0,14, regrette-t-on chez Belgocontrol. Conformément aux impératifs européens, l’entreprise publique est parvenue à faire baisser ses tarifs tout en augmentatnt ses recettes d’exploitation. Résultat : un boni de quelque 24 millions d’euros. Le chiffre d’affaires grimpant de 18,9 millions pour s’établir à 217 millions d’euros. "Les recettes ont augmenté et les coûts ont diminué, explique Johan Decuyper. C’est surtout le cas des amortissements qui sont passés à 5,6 millions en 2015. Si on était à un niveau normal d’investissements, on serait à 12 millions. Nous avons remis de l’ordre dans les finances de Belgocontrol, il faut maintenant relancer les investissements."

La gestion passée était si catastrophique ?

C’est clair. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, lorsque je suis arrivé, mes collègues européens me demandaient si j’étais le curateur de l’entreprise. Mais je regarde vers l’avenir. Deux défis se présentaient à nous. Rétablir la situation financière, c’est fait. Et trouver un accord sur les pensions, ce que nous avons fait le 12 avril. Il faut maintenant investir pour être parmi les meilleurs. Nous avons besoin de partenariats et pour cela, il fallait qu’on nous prenne au sérieux. Avant, on était en "stand alone", nous voulons travailler plus avec les aéroports car nous sommes conscients que nous jouons un rôle important dans le développement des aéroports, et un rôle important sur le plan économique en général.

Les grèves et la panne de courant n’ont pas aidé.

On a pu conclure un accord social le 12 avril qui a mis les choses en ordre. Mais je comprends que les gens aient réagi de manière émotionnelle. Le changement n’est jamais évident mais les contrôleurs n’ont plus d’incertitudes sur l’âge de la retraite.

Il y a eu beaucoup de critiques sur la manière…

Ce problème existait depuis 2011. Avant le personnel pouvait partir à 55 ans. Avec la réforme Di Rupo on est passé à 60 ans et la réforme du gouvernement Michel est venue s’ajouter à cela. Lors des attentats du 22 mars, nous étions en pleine négociation, celle-ci s’est poursuivie selon l’agenda qui avait été convenu et j’ai dû constater des interruptions de service peu après les attentats. Mais je le répète, je comprends cette réaction émotionnelle. Les contrôleurs aériens sont des professionnels qui travaillent dans le stress.

Combien de personnes allez-vous recruter ?

Une quarantaine de contrôleurs. La formation n’est pas évidente, toute le monde ne réussit pas mais je veux arriver à une quarantaine dans les deux ans. Il faut engager certes, mais on doit aussi réorganiser pour faire mieux correspondre les volumes de trafic et les équipes dont on a besoin. Nous allons vers une gestion plus dynamique qui se traduira par un mieux pour le personnel.

Quels sont les principaux investissements que vous projetez ?

Nous avons un programme de 97 millions d’investissements sur trois ans. Notamment pour passer à la navigation BPN à Zaventem, un système de navigation utilisant les données satellitaires, comme dans les autres pays et comme c’est déjà le cas à Liège et Charleroi. Aujourd’hui, la navigation aérienne fonctionne encore avec des balises au sol, cela devrait être modernisé pour 2018. Il y a encore l’installation de l’ILS et nous devrons choisir un nouveau système de gestion au début 2017. Nous allons également investir dans un système permettant de mesurer la vitesse des vents en altitude pour éviter de dépendre uniquement des informations fournies par les pilotes.

Le nouveau système satellite permet de diminuer la dispersion des routes aériennes et donc le nombre de personnes survolées ?

Oui, on peut mieux préciser les routes et concentrer les vols. Avec les balises au sol, il y a une tolérance assez grande, notamment dans les virages, ce qui occasionne de nombreuses plaintes à Bruxelles. Avec le PBN, on peut concentrer davantage mais on peut aussi faire de la dispersion planifiée.

Pensez-vous à un système de secours pour éviter les mésaventures de Lièges et Charleroi ?

Nous allons investir dans la contingence afin de garantir une capacité maximum en cas d’incident. Liège et Charleroi ont dû fermer à cause d’une panne au centre de contrôle de Steenokkerzeel. Nous avons développé un système indépendant pour ces deux aéroports. A partir du 30 septembre, ils pourront continuer à travailler en cas d’incident de ce genre.

Etes-vous candidat CEO de la SNCB ?

Pas du tout. J’ai démarrré un travail ici et j’ai jeté des bases pour garantir l’avenir de Belgocontrol. Je veux continuer sur cette lancée.

Avez-vous été sollicité par le chasseur de têtes mandaté par le gouvernement ?

Non.


Belgocontrol accusé de tricher avec la vitesse du vent

Belgocontrol ne respecte pas les normes de vent qui déterminent le choix des pistes utilisées à l’aéroport national. Conséquence : un survol accru du territoire de Bruxelles et de sa périphérie est. Ces accusations sont très régulièrement adressées aux contrôleurs aériens qui, en chipotant sur les normes de vent, éviteraient à la Flandre une part des nuisances sonores.

Ce sentiment est largement partagé à Bruxelles. Benoît Cerexhe, bourgmestre CDH de Woluwe-Saint-Pierre (dont le survol dépend beaucoup des changements de pistes à l’atterrissage et au décollage) en est quant à lui persuadé. L’élu avance ce qu’il considère comme une preuve irréfutable d’une interprétation fautive des normes de vent par Belgocontrol. Cette norme est claire, à partir d’un vent de travers de 7 nœuds sur les pistes 25 il faut passer sur l’autre piste, la 01 défavorable à Bruxelles et sa périphérie est. Or dans un manuel publié par Belgocontrol, on trouve la possibilité d’arrondir les vitesses de vent. Ainsi, entre 6,1 et 6,4 nœuds, la norme est arrondie à 6. Mais entre 6,5 et, 6,9, elle est arrondie à 7. "C’est proprement scandaleux, accuse Benoît Cerexhe. Ce manuel permet tout simplement de faire passer la norme de 7 à 6,5 nœuds. Or on assiste à une explosion de l’utilisation de la piste 01 qui au départ ne devait être qu’une piste subsidiaire. Elle concentre aujourd’hui 20 % des atterrissages."

"Les instructions nous viennent du ministre et de la DGTA, réplique Johan Decuyper. Maintenant, nous ne pouvons pas attendre le moment précis où le vent change pour prendre des décisions alors que des avions sont en pleine descente ou montée. Il nous faut anticiper et donc faire des prévisions. La dernière instruction date de décembre 2013. Je ne sais pas si c’est 7 ou 6,5 nœuds mais nous devons anticiper et parfois tenir compte du vent en altitude. Les pilotes nous informent, alors on reçoit des mails de plaintes par rapport aux normes de vent. Mais chaque année, Eurocontrol contrôle si on respecte les instructions et Eurocontrol n’a jamais fait la moindre remarque."

"Belgocontrol anticipe des vents 24 heures à l’avance, accuse encore Benoît Cerexhe. La piste 01 est même utilisée lorsqu’il n’y a pas de vent." Et le député bourgmestre de fustiger "l’inertie" du gouvernement fédéral dans le dossier du survol de Bruxelles.

Ce document émanant de Belgocontrol démontre que la limite légale de la vitesse du vent est ramenée de 7 à 6,5 noeuds.