Pas de solution pour le survol de Bruxelles avant 2019

lecho.be
dimanche 10 décembre 2017

Pour le ministre fédéral de la mobilité François Bellot, la solution au problème du survol de Bruxelles ne sera pas juridique. Selon lui, ce dont on a besoin, c’est d’un audit indépendant qui va tout objectiver.

Les spéculoos et les petits chocolats ont été disposés – en étoile – sur la table de travail plantée au milieu de son bureau. "Servez-vous, c’est pour fêter la Saint-Nicolas", dit François Bellot (MR), le ministre fédéral de la Mobilité. Cet homme-là tient de l’ovni politique. Dans un monde de combats, d’affrontements et de duels où la petite phrase polémique est le meilleur des carburants, cet homme-là est un ovni. Il est aussi calme que d’autres montent facilement aux barricades.

Il est placide là où d’autres sont excités. Il est la "coolitude" rochefortoise. "Et pourtant, je n’ai pas hérité d’un portefeuille facile, j’aurais la possibilité de m’énerver", précise-t-il.

Embouteillages, chemins de fer, RER, survol de Bruxelles. Autant de raisons de rendre un honnête homme nerveux. Autant de clous dans un cercueil ministériel – demandez à ses deux prédécesseurs au même poste. "Moi, je suis ingénieur. Je sais qu’on est mal vu dans la société actuelle mais on fait quand même en sorte que les avions volent et que les ponts tiennent. Ce que j’aime, c’est l’organisation. On peut me designer ministre de la Justice, je n’irais pas sur le contenu mais sur l’organisation. C’est cela qui m’intéresse : que les choses se passent bien". Voilà le ton de ces deux heures d’entretien. Le franc-parler des Ardennes.

Moderniser la SNCB

"On est aujourd’hui arrivé au bout d’une certaine logique", dit-il en évoquant la SNCB. "Le rail dans les années 1980, c’était les déplacements de masse pour les ouvriers et le transport des marchandises. Le reste, c’était ma voiture, ma liberté. Aujourd’hui, l’évolution sociétale vers le transport public est énorme. Les gens subissent la mobilité routière plutôt qu’ils n’en tirent parti. Et ce, tant dans les grandes villes que dans les campagnes. Le rôle sociétal de l’entreprise doit donc être adapté aux nouvelles habitudes quotidiennes des gens. J’ai examiné les choses." Il se corrige en jetant un œil à son directeur de cabinet : "On a examiné les choses en équipe."

La priorité de la SNCB ? "Ce doit être les voyageurs. Cela semble une lapalissade mais ça ne l’est pas. Les voyageurs n’ont pas toujours été au centre des préoccupations de la SNCB. On travaille donc sur plusieurs éléments en parallèle. D’abord, on doit révolutionner l’organisation interne des chemins de fer. Je le dis sans aucune volonté de provoquer mais il y a beaucoup trop de gratte-papiers aujourd’hui aux chemins de fer alors qu’on a davantage besoin d’opérationnels. Parfois, il y a quatre ou cinq personnes dans des bureaux occupées à faire un travail qu’une utilisation optimale de l’outil informatique permettrait de rationaliser. Attention, je ne prétends pas qu’il faut liquider du personnel, je dis qu’il faut rééquilibrer les choses et c’est ce que nos recrutements démontrent. La gouvernance de l’entreprise est à revoir et la digitalisation doit être poussée. L’autonomie, aussi."

Améliorer le climat social

Il poursuit : "J’entends la patronne de la SNCB qui veut davantage d’autonomie. Sophie Dutordoir constate que l’informatisation n’avance pas. Mais à un moment donné, il faut avoir le courage de stopper l’hémorragie. J’ai compris le message : l’actionnaire c’est l’état. On me dit que la patronne doit avoir plus d’autonomie. Je suis d’accord mais on n’a pas de liberté sans responsabilité. Et le ministre n’est pas un opérationnel ! On ne va pas me demander de choisir la couleur des tickets. Allez, arrêtons d’être conservateur et avançons."

Il explique : "Tous les éléments de la chaîne sont analysés, y compris le conseil d’administration et le comité de direction tant chez Infrabel qu’à la SNCB. Autre paramètre à travailler : le réseau. Quel réseau voulons-nous, quelle densification et quelle direction ? Enfin, on doit adapter les règles de fonctionnement interne. On travaille encore comme dans les années 1960. Les règlements sont obsolètes et dépassés. Les travailleurs veulent être entendus et écoutés. Cela doit être fait, mais aujourd’hui, le système est désuet et la machine est grippée. On ne permet pas aux talents de l’entreprise de s’exprimer. On doit donc travailler à davantage de démocratie interne. Par exemple, quand on formule une observation ou quand un travailleur donne son avis, il n’y a aucun retour. La division des responsabilités mène à déresponsabiliser tout le monde."

Alors qu’une manifestation nationale, organisée par la CSC et la FGTB est prévue le 19 décembre, nous évoquons les épineuses questions du climat social et du personnel de la SNCB. Et on en a vu débrayer plus d’un pour moins que ça. "Moi, je dis les choses. J’ai l’âge que j’ai et je vous donne ma vision à court, moyen et long-terme. Ce qui m’arrivera en 2019, je m’en fous. Sincèrement. Je pose des choix et je demande qu’on prenne un peu de hauteur."

Certes, il est de bon ton d’avoir des idées pour les chemins de fer. Mais si on en rogne la dotation, ne serait-ce pas (légèrement) contradictoire ? Il monte dans les tours (calmement). "On a diminué la dotation publique de la SNCB de 1,2 milliard d’euros. On est passé de 14,8 à 13,6 milliards pour transporter 8% de la population belge. Mais vous savez, les chemins de fer continuent de coûter terriblement cher à la collectivité. L’effort qui est demandé en terme de dotation est important mais il est indispensable. Dès qu’un usager s’engage sur le marchepied d’un train, cela coûte 12,50 euros par tête de voyageur. Chaque famille belge paie en moyenne 650 euros par an à la SNCB."

Il espère que ça nous coupera le sifflet quelques secondes. Il boit une gorgée d’eau plate. "Et malgré ces économies, notre offre de trains s’est élargie. En décembre 2016, on a ajouté 78 trains, y compris les dimanches. En 20 ans, on n’a jamais fait cela", assure Bellot.

Renforcer l’offre ferroviaire

"Ce n’est pas du travail en chambre, tout ce que nous allons mettre en place maintenant en terme de renforcement de l’offre ferroviaire est étudié soigneusement avec le terrain." Il cite le chiffre de 120 demandes posées, desquelles 101 ont été étudiées. à partir de 6 critères, 69 projets ont été maintenus. Donc 5,1% d’offre supplémentaire pour le rail. De l’offre bruxelloise au doublement de la cadence sur la ligne Charleroi-Jambes en passant par Liège, Anvers, l’Ardenne namuroise et la boucle du Luxembourg. Avec une clé de répartition entre Flamands (60%) et Wallons (40%). "On dégage des moyens", répète-t-il, "malgré les économies".

"On se redéploie et on investit. Bien entendu, la dette doit être réduite. Et je conviens que l’exercice est difficile. On ne peut pas à la fois demander des efforts financiers et exiger une amélioration sociétale des chemins de fer. Donc, les chemins de fer s’occupent du maintien du réseau et nous – grâce à notre milliard – on s’occupe de l’extension du réseau. On va terminer le RER."

Privatiser les chemins de fer serait-il alors la solution ?

"Je n’y suis pas favorable." Mais vous êtes un libéral ! "On a le rendez-vous de la libéralisation du rail en 2023, on ne peut pas le manquer. Les sociétés doivent être prêtes et si ce n’est pas le cas, je le dis aux syndicats, ça sera difficile. Mais une entreprise publique peut se moderniser et rester publique, ça, j’y crois. Mais je ne vais pas mentir : ça ne sera pas facile."

Mobilité et survol de Bruxelles

Il reprend sa casquette d’ingénieur quand on le titille sur Bruxelles. "On me dit qu’il y a un problème à Bruxelles à cause, entre autres, du manque de trains. Ceux qui disent cela n’y connaissent rien. Le problème est bien plus global. Le covoiturage est peut-être une idée. Mais il n’y a pas que Bruxelles. à Anvers, c’est pire." Il s’agace : "Cette histoire de tunnels qui tombent en ruine est connue depuis longtemps. On sait que les crédits destinés aux tunnels ont été annulés. En 2001, les ingénieurs m’avaient dit qu’on courait à la catastrophe et rien n’a été entretenu."

Mais l’essentiel des problèmes bruxellois est-il résolu ? "Non. Il n’y a aucune coordination dans l’organisation des chantiers. Pascal Smet me dit que les ouvriers travaillent la nuit. Mais chaque fois que je passe en pleine nuit, je ne vois personne sur les chantiers. Ni le week-end ! Quand le viaduc de Vilvoorde a dû être renouvelé pour son revêtement, on a fait un simple calcul : 30.000 véhicules par jour perdent une heure dans les files. Le coût s’élève à 55 euros par heure. L’impact socio-économique étant gigantesque, la Flandre a mobilisé les ouvriers la nuit et le week-end. Pourquoi ne peut-on pas procéder de la sorte à Bruxelles ?"

Tant qu’à évoquer Bruxelles, évoquons un autre dossier sensible du cartable ministériel : le survol de Bruxelles. "Il faut arrêter de croire que la solution à ce problème sera juridique. La solution passe par un grand audit indépendant, soit une étude d’incidence qui va tout objectiver. C’est de cela qu’on a besoin. Elle va permettre d’avoir une vision claire, objective et transparente des conséquences de l’utilisation de l’aéroport en terme de nuisances sonores. Et ce, indépendamment des frontières linguistiques et administratives. On fera cela avec un bureau indépendant et des recommandations seront formulées." Bien. Mais quand ? "Aux Pays-Bas, il a fallu deux ans et demi pour règler les problèmes de l’aéroport de Schiphol". En clair, n’attendez pas de changement structurel sur ce sujet avant les élections.

Il parle aussi sécurité routière, il pense qu’il est vain de vouloir brider une communauté. "Légiférer sur une communauté comme Waze ne mène à rien. Je n’y crois pas. En revanche, les nouveaux radars mobiles seront très efficaces."

Et puis, il y a les fondamentaux du Rochefortois. La bière trappiste. "On est devenu très bons dans le beurre, ça s’exporte très bien". Et le fromage, aussi.

"C’est une success story, ce fromage de Rochefort".

Voilà, c’est réussi. On a faim.