3 Questions à Catherine Erkelens
Brussels Airlines n’a-t-elle pas le plus à perdre de l’arrivée de Ryanair à Bruxelles ?
Il est un peu trop tôt pour mesurer l’impact qu’aura l’arrivée de Ryanair à Bruxelles sur Brussels Airlines. Je n’oserais pas dire à ce stade que cette évolution se fera forcément au détriment de la compagnie belge. Tout dépendra de la façon dont Ryanair va s’y prendre. La question est de savoir si avec cette stratégie de s’implanter sur un aéroport comme Bruxelles, Ryanair va pouvoir rester "low-cost". Je pense que Ryanair va devenir de plus en plus un concurrent "normal" au départ de Bruxelles alors qu’au départ de Charleroi ils sont véritablement un opérateur low-cost. Brussels Airport l’a dit : Ryanair ne cadre pas vraiment avec sa stratégie de développement. Il faut rappeler que Brussels Airport a abandonné, il y a quelques années, l’idée d’un terminal low-cost. L’infrastructure de l’aéroport est disponible mais tout ce qu’il faudra payer à l’aéroport pour l’utilisation de cette infrastructure (charges, redevances…) devra se faire sur une base "non discriminatoire". En clair, Ryanair n’aura pas de traitement de faveur par rapport aux autres compagnies aériennes. Si Ryanair peut pratiquer des bas tarifs à Charleroi, c’est grâce à une structure de coûts et des redevances peu élevées. A Bruxelles Airport, ce ne sera pas le cas. Le modèle low-cost a besoin de ce que l’on appelle un "quick turn around" pour une utilisation économiquement optimale de sa flotte, ce qui suppose une assistance aéroportuaire limitée, une rotation élevée des avions sur le tarmac, etc. Je me demande si cela sera possible à Bruxelles où la possibilité de réduire les coûts sera plus limitée qu’à Charleroi. Mais l’approche marketing et commerciale de Ryanair est néanmoins intéressante.
La concurrence ne sera-t-elle pas déloyale à Bruxelles entre Ryanair, qui dépend du droit social irlandais, et les autres compagnies ?
L’activité de Ryanair doit pouvoir s’exercer à Bruxelles par rapport aux autres compagnies européennes sur une base concurrentielle "normale". Au niveau social, une action en justice avait été introduite par le personnel naviguant auprès du tribunal du travail de Charleroi mais le juge s’était déclaré récemment incompétent parce que les contrats de travail prévoyaient la compétence des tribunaux irlandais. En droit social, on doit appliquer le droit social national s’il est établi que le travail est effectué par le salarié en grande partie à partir de la Belgique. C’est cela la grande question. Il faut rapidement de la clarté au niveau social et de la sécurité juridique. Et là, il y a certainement urgence à voir émerger un cadre uniforme en Europe.
Cette arrivée de Ryanair à Bruxelles va-t-elle mettre en péril l’aéroport de Charleroi ou y a-t-il de la place pour une présence de la compagnie irlandaise sur deux aéroports concurrents en Belgique ?
Je dirais que c’est une stratégie plutôt supplémentaire de Ryanair et je n’ai pas le sentiment que cela va mettre en danger le business à Charleroi. A Bruxelles, ce sera probablement une clientèle différente de la clientèle" classique" de Ryanair, une clientèle qui cherchera plus de facilités, qui travaille sans doute en partie à Bruxelles et qui sera disposée à payer un peu plus cher. Ce sont donc deux stratégies qui peuvent coexister en parallèle.
Slits Vincent
Catherine Erkelens, Head of Aviation au bureau de Bruxelles du cabinet Bird&Bird.